mercredi 16 juillet 2014

Un polar de charbon et un ovni enneigés


Sol : C’est l’été, j’ai vu deux très bons films.

Oncle Erneste : T’as que ça à faire en été, t’enfermer dans une salle ? Tu peux pas aller draguer des filles au bord du plan d’eau comme tout le monde ?

S. : Non j’en ai pas envie tonton, il est nul ce plan d’eau ! Et puis, dans le 1er film que j’ai vu, c’était Scarlett Johansson l’actrice principale..

O.E. : Ah, ‘scuse fiston, je savais pas. Et elle fait quoi Scarlett dans le film ?

S. : Eh bien elle joue une extraterrestre qui débarque en Ecosse, attire des hommes dans un liquide noir pour les faire disparaître.

O.E. : Tu fais comme les autres jeunes en fait, tu prends de la coke !

S. : Mais non tonton, je sais, c’est un peu étrange mais c’est la réalité... du film. J’ai trouvé ce film visuellement époustouflant. Tout le film est traversé par deux esthétiques opposées sur le papier, mais complémentaires à l’écran : l’abstraction des effets visuels d’une part (on pense à Kubrick époque 2001 odyssée de l’espace) et l’hyper réel d’autre part, avec des plans tournés façon caméra cachée, dans la rue.


Les éléments naturels occupent une grande place dans ces plans baignés d’une lumière sombre : il pleut, il vente, il neige beaucoup. Les dialogues sont très rares et l’étrangeté, l’angoisse du film gagne peu à peu le spectateur, grâce notamment à une bande-son parfaite.


Tout n’est pas que prétexte à une débauche de trouvailles visuelles. Ce pourrait être le cas venant d’un réalisateur qui a réalisé pas mal de clips. On est littéralement embarqué dans le voyage initiatique de cette extraterrestre qui va découvrir le trouble en côtoyant l’humanité. C’est un trip halluciné, une expérience physique comme seul le cinéma peut en procurer.


O.E. : Ok. Mais Scarlett, elle...

S. : Oui on la voit nue à plusieurs reprises tonton.

O.E. : Ah mais c’est pas ce que je voulais dire ! T’as vraiment l’esprit mal placé fiston, je voulais juste savoir si elle meurt à la fin.

S. : Ahah. Pardon. Evidemment... que je ne le dirai pas.
Parlons plutôt de l’autre très bon film que je vous recommande, « Black Coal ».


O.E. : Le pitch, fiston, le PITCH !

S. : Ok tonton, je vois que tu as bien intégré ce nouveau terme, le voici :
« En 1999, un employé d’une carrière minière est assassiné et son corps dispersé aux quatre coins de la Mandchourie. L’inspecteur Zhang mène l’enquête, mais doit rapidement abandonner après avoir été blessé lors de l’interpellation des principaux suspects. »

O.E. : Ah mais ça se passe en Chine ?

S. : Oui tonton, mais je ne vois pas où est le problème ? Tous les critiques évoquaient un film très complexe, avec des intrigues à tiroir, etc. Alors certes, il faut s’accrocher un peu, mais il n’y a aucun souci pour comprendre la trame de ce polar somme toute assez classique. Le réalisateur a dit s’être inspiré du « Faucon Maltais ». Je suis moi-même un grand fan de films noirs et notamment de celui-ci, on pense également au « Grand Sommeil ».


Les plans sont d’une grande beauté, les acteurs sont très convaincants et l’intrigue est intéressante mais ce n’est pas tout : ce polar respecte tous les codes classiques du genre mais déborde également du cadre. Contrairement à Jia Zhang-ke qui s’intéressait de manière grandiose aux dérives d’un système capitaliste chinois dans a Touch of sin, Yi’nan Diao se focalise quant à lui sur le caractère humain de ces dérives, son absurdité. Même si l’histoire n’est pas réelle, le réalisateur a précisé dans une interview qu’ « il se passe beaucoup de choses en Chine aujourd’hui, des histoires parfois si absurdes qu’il est difficile d’imaginer qu’elles soient vraies, des faits auxquels vous auriez du mal à croire dans un film ou dans un livre ».

O.E. : Ca je veux bien le croire !


S. : Le film s’attache aux détails et capte ainsi l’essentiel. La violence est crûe, les lumières nous éblouissent, la froideur est perceptible, on entend les pas : plus qu’un cinéma réaliste, c’est un cinéma du réel. A la vue de ces deux films (je parle ici de Touch of sin et de Black Coal), j’ai parfois pensé à des écrivains russes. Allez savoir pourquoi...


O.E. : Bon, je vais essayer de le voir.

S. : Black Coal ?!

O.E. : Mais non abruti, le film avec Scarlett. Ca a l’air bizarre, mais bon, ta tante aussi était un peu perchée quand je l’ai rencontrée, et pourtant... je me souviens encore, après le concert, dans la Simca...

S. : Stop, je dois y aller, j’ai un rendez-vous avec la mutuelle, à plus tard tonton !



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