vendredi 7 mars 2014

Twelve Years of gravity in Dallas

Tartine : Bon, aujourd'hui je veux te parler de trois films récemment primés à la cérémonie des Academy Awards...

Jeannine : Des quoi ?

T : Des Oscars si tu préfères.

J : Ah oui, oh tu sais les cérémonies, moi je regarde juste pour apercevoir George ou Brad...

T : Ben justement, George est dans l'un des films Et Brad dans un autre...

J : Ah bon ? Celui avec les morts vivants ???

T : Non, celui avec des esclaves...

J : Beuh... Les films sur l'esclavage, moi...

T : Bon alors peut être que tu préfèreras un film dans l'espace ? Ou un film avec un cowboy ?

J : Esclavage, espace, cowboy, ça m'a pas l'air bien français tout ça.

T : C'est clair que je ne sais pas si le cinéma français a jamais essayé de s'attaquer au sujet de l'esclavage... Quant à l'espace, n'en parlons pas. Les cowboys ?... Non, et puis de toutes façons, je t'ai dis que c'était les O-S-C-A-R-S, pas les Césars...

J : N'empêche que ce sont tous les deux des prénoms.

T : Oui, Jeannine... Je peux commencer ?

J : Mais bien sûr

T : Bon, alors je voulais parler des trois films qui ont le plus brillé à la dernière cérémonie des Oscars ce dimanche : Gravity d'Alfonso Cuaron, 12 Years a slave de Steve McQueen et Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée.

J : Ok, je n'en ai vu aucun des trois

T : Merci Jeannine.

J : De rien.

T :... Bon alors pour commencer, Gravity, réalisé par Alfonso Cuaron -à qui on doit le seul bon épisode de la série des Harry Potter (je veux bien sûr parler du Prisonnier d'Azkaban), les magnifiques Fils de l'homme ou la superbe Petite Princesse. Le film a remporté 7 statuettes (réalisateur, musique, photographie, montage, montage sonore, mixage sonore et effets spéciaux). C'est le grand gagnant de la cérémonie, même si la statuette ultime (meilleur film) est allée à 12 Years a slave...



J : Et alors, que vaut le film ?

T : C'est un huis clos étouffant et magnifique (dans l'espace, Ryan Stone, une brillante experte en ingénierie médicale et Matt Kowalski, un astronaute chevronné, se retrouvent seuls et livrés à eux mêmes quand leur navette est pulvérisée...).

Une ode à la vie, à la fois spectaculaire et intimiste. L'infiniment petit dans l'infiniment grand. Le film, très court (1h30) est aussi très impressionnant. Cuaron, qui a peaufiné son film, a tout maîtrisé de bout en bout (du scénario aux effets spéciaux). Il signe un chef d’œuvre plastique et une expérience de cinéma parmi les plus intenses qu'il m’ait été donné de voir. C'est aussi un très beau rôle pour Sandra Bullock. Certainement LE rôle de sa vie. Elle joue seule la plupart des scènes. Elle est l'âme de Gravity...

Sandra Bullock, Gravity
J : Ok, mais il y a aussi George, non ?

T : Oui, il y a George aussi... A ce propos, ça me fait penser à Brad : j'enchaîne avec la suite. 12 Years a slave de Steve McQueen (Hunger, Shame) avec Chiwetel Ejiofor (Dirty Pretty Things, Tsunami the aftermath, Love actually...), Michael Fassbender (acteur fétiche de McQueen déjà dans Hunger et Shame), Brad Pitt donc, Paul Giamatti, Benedict Cumberbatch (Sherlock) et la nouvelle et belle venue Lupita Nyong'o...



12 Years a slave raconte, quelques années avant la guerre de Sécession, la lente agonie d'un jeune père de famille noir, Solomon Northup, kidnappé et vendu comme esclave. Le film est adapté du récit autobiographique de Solomon et dit l'horreur de la condition d'esclave comme -je pense- on l'a rarement vue au cinéma. Bien sûr que tout le monde a vu des récits d'esclavage au cinéma, mais là, c'est de l'intérieur qu'on le vit, en totale empathie avec Solomon. C'est la gorge serrée qu'on suit son calvaire, celui des autres esclaves, celui de Patsy... C'est une oeuvre admirable et profondément humaniste. McQueen s'empare du sujet et, sans académisme, signe un réquisitoire qui bouleverse le spectateur. Les comédiens sont tous admirables : Michael Fassbender bien sûr mais aussi Chiwetel Ejiofor dans le rôle de Solomon. L'acteur trouve enfin là le vrai premier rôle qu'il attendait. Quant à Lupita Nyong'o qui interprète Patsy, c'est LA révélation du film.

J : J'ai peur que ce soit trop violent pour moi quand même...

T : Je t'accorde qu'il y a 2 scènes assez difficiles. Mais à mon avis importantes à montrer. Elles servent le propos du film... Ah oui, et puis la musique est superbe. Et le film a remporté 3 Oscars (film, actrice dans un second rôle et meilleure adaptation).


Lupita Nyong'o et Michael Fassbender, 12 years a slave
J : A propos de trois, tu n'avais pas parlé de trois films ?

T : Si, le dernier c'est Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée, le réalisateur de C.R.A.Z.Y et de Café de Flore. Avec Matthew McConaughey, Jennifer Garner et Jared Leto. Le film a remporté 2 Oscars : ceux des meilleurs comédiens dans un premier rôle et dans un second. Le film est tiré de l'histoire de Ron Woodroof, un cow-boy, un vrai. Sa vie : femmes, drogue et rodéo... Quand après un malaise, on lui annonce qu'il a contracté la maladie des homos (on est en 1986), Ron ne peut d'abord le croire. Puis, devant l'impuissance du corps médical, il se lance à corps perdu dans la recherche de médicaments alternatifs non officiels et crée le Dallas Buyers Club, qui vient en aide à d'autres malades... 



J : Waouh, ça m'a pas l'air rigolo tout ça...

T : Alors déjà, ce sont deux performances éblouissantes : Matthew McConaughey et Jared Leto n'ont pas volé leurs statuettes. Ensuite, ce n'est pas du tout une œuvre sombre. Elle est optimiste au contraire. Et le film s'autorise des pointes d'humour et de légèreté (surtout dans la relation Ron-Rayon). L'énergie et la course en avant de Ron dans DBC, son combat pour la vie va le porter et faire de lui un être complètement neuf, tolérant, qui va s'ouvrir aux autres... 

Le film de Jean-Marc Vallée est gorgé d'espoir. En fait, les trois films dont j'ai parlé dans ce post sont gorgés d'espoir. Ryan dans Gravity, Solomon dans 12 Years a slave, Ron dans Dallas Buyers Club, ce sont trois destinées qui luttent pour leur vie et ne perdent pas espoir...

Jared Leto et Jennifer Garner, Dallas Buyers Club

J : Et trois films à voir donc !

T : T'as tout compris Jeannine !

 





8 commentaires:

  1. Chère Tartine,

    je ne partage pas du tout votre point de vue sur 12 years of slave. Je me suis ennuyée du début à la fin..Pas de surprises, trop de scènes mélo (pffffff), c'est du re-re et revue!! Des longueurs de scène intenables pour nos paupières alourdies par la musique...Rien de neuf dans ce film. Pompe à fric Hollywoodienne!

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  2. Ah oui, c'est marrant car je ne ressent pas ce sentiment de déjà vu. J'ai justement trouvé beaucoup de nouveauté dans ce film là. Je n'avais jamais vu ça avant.

    Je crois que c'est la première fois qu'un metteur en scène choisit de parler de l'esclavage pré Sécession de l'intérieur. C'est peut être aussi la première fois qu'un réalisateur noir se penche sur le sujet ?

    On a beaucoup reproché à des metteurs en scène blancs d'avoir osé faire un film sur la condition noire aux Etats-Unis (par exemple Steven Spielberg avec La Couleur pourpre, Alan Parker avec Mississipi Burning ou récemment Quentin Tarantino avec Django unchained). Ce sont des films puissants que j'apprécie mais qui sont effectivement passés par le regard de Blancs.

    Là, avec 12 Years a Slave, pour la première fois je pense, un Noir se penche sur l'esclavage ET en plus nous propose une vision de l'intérieur, à travers le regard d'un Noir (et pas d'un Blanc apportant son témoignage, comme souvent) qui comme le public découvre l'esclavage que jusqu'ici il ne connaissait que sur le papier...

    J'ai vraiment éprouvé cette sensation d'être plongée à l'intérieur de l'enfer. Et c'est d'autant plus fort qu'on sait que ces situations très précises ont été vécues et décrites par Solomon Northup.

    J'ai aussi trouvé les 2 scènes difficiles -dont je pense vous parlez : "scènes insoutenables"- absolument indispensables pour encore mieux comprendre.

    Le fait, en plus, d'avoir choisi le récit de Solomon est encore plus efficace puisqu'il s'agit d'un homme libre qui se voit brutalement enchaîné. On s'identifie d'autant plus. On entre en empathie, on découvre en même temps que lui...

    Quant à la pompe à fric, jusqu'ici, je ne crois pas qu'on fasse des films sans avoir l'espoir qu'ils fassent des entrées. Sinon quel intérêt ? Mais à priori, il n'y aura pas de 12 Years a slave 2 !

    ;)

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  3. Ce film est une succession d'évènements clichés sans tensions avec uniquement la violence sur les esclaves pour nous faire ressentir de la compassion.J'ai trouvé ce film trop académique, et je pense que c'est dû au scénario, plombé par le respect du roman.
    Je ne suis pas sure qu'aujourd'hui la vision d'un blanc ou d'un noir sois différente sur l'esclavage...Ce n'est pas notre couleur de peau qui dicte notre pensée, notre réflexion (enfin je l'espère!).
    On est loin de "Racine" et de son personnage Kunta Kinte!
    Et sur le même sujet, j'ai trouvé le film de Tarantino bien plus fort.

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  4. Je n'ai ni lu ni vu Racines, alors je ne peux pas comparer. En même temps, c'était un gros roman et une mini série, donc avec plus de temps pour développer les personnages.

    C'est drôle parce que je n'ai trouvé aucun académisme au film !

    Je ne sais pas si la vision d'un noir est différente de la vision d'un blanc, mais elle semble en tout cas pour beaucoup davantage "légitime" sur le sujet. Mais ce n'est pas ça que je voulais dire (et je n'ai pas voulu dire non plus que notre couleur de peau dicte notre pensée). Je voulais dire que, pour une fois, il ne s'agit pas de mettre en scène un blanc comme personnage principal et comme témoin de préjudices infligés aux noirs. Dans TOUS les films traitant du sujet, c'est toujours le cas, et c'est agaçant. Pas ici.

    Oui, bien sûr le Tarantino est très fort aussi. Même si ce sont deux œuvres très différentes. Il n'empêche qu'ont peut adorer les deux !

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  5. Bon mais à part ça, as tu vu "Gravity" et "Dallas" ?

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  6. Je comprends mieux votre point de vue chère Tartine!

    De bons échos pour Dallas, que je ne devrais pas tarder à regarder. Matthew McConaughay densifie en vieillissant son jeu d'acteur! Dans la série True détective, il est très bon!
    Et Gravity, je ne sais pas, le huis clos m'effraie un peu! Mais je pense que je vais tenter.
    Pas de futur article sur The Budapest Grand Hotel?

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  7. Je viens de voir Gravity : une vraie claque effectivement. Je suis un peu hermétique à l'histoire intime de Sandra (oui je l'appelle Sandra), je la trouve assez peu crédible mais qu'importe, visuellement c'est magnifique. Le silence lors des chocs intergalactiques et la musique concrète du film sont impressionnants. la caméra qui tourne autour des personnages puis rentre dans leur combinaison accentue le sentiment d'oppression. On est dans l'espace, libre et paradoxalement confiné, pris au piège. Claustro s'abstenir.

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