The Night of, c’est une série noir américaine, classique, qui débute par un meurtre, qui passe par la case prison, et finit par un procès. La photographie, soignée, est tout à fait classique, raccord avec le scénario qui nous plonge dans une énième virée nocturne New-Yorkaise, avec une image qui joue des nuances de noir et de gris.
Les personnages, tous très bien joués et incarnés, sont tout ce qu’il y a de plus classique : le suspect que tout accâble, l’inspecteur en fin de carrière intelligent et taciturne, et l’avocat bavard, qui ne paie pas de mine – l’excellent John Turturro - . Alors voilà, une série américaine très bien faite, un polar noir classique comme on en a vu des milliers. Sauf que…
Sauf que classique ne veut pas dire académique. Et que la force d’un bon polar, c’est de ne pas être qu’un polar. En 8 épisodes seulement, l’Amérique contemporaine est ici disséquée, nous laissant voir les maux qui rongent chaque strate de la société : le racisme ordinaire, le milieu carcéral impitoyable, les rouages ténébreux de la machine policière, judiciaire, mais également le déterminisme implacable qui peut conduire n’importe quel citoyen américain d’origine étrangère à devenir quelqu’un qu’il ne souhaitait pas être.
Depuis The Wire, on savait les américains capables de cette autocritique là. Au-delà de l’image soignée de TNO, c’est la même acuité avec laquelle les situations quotidiennes sont dépeintes qui est tout à fait remarquable. L’autre parallèle avec The Wire, c’est le côté pessimiste de l’affaire. Je ne dévoilerai évidemment pas l’épilogue, mais plus que l’attrait classique d’une intrigue – qui est le meurtrier ? – c’est tout le reste qui garde l’intelligence du spectateur en alerte.
On savait les showrunners américains doués pour se plonger dans le passé proche de leur pays et de l’analyser en profondeur (Mad Men, The Americans), mais c’est la capacité à explorer leur présente sans aucune concession qui est tout à fait bluffante dans TNO. On pense bien sûr à American Crime, au docu-fiction Making a murderer ou encore à The People vs OJ Simpson : American crime story, et cette fiction s’inscrit naturellement dans cette veine là.
Récemment, j’ai vu « Le Bureau des légendes », série Canal+, qui m’a convaincu que les français pouvaient jouer sur ce tableau : à savoir décrire une situation contemporaine complexe tout en, et c’est là la qualité principale de la série à mon avis, gardant une spécificité française dans le traitement des enjeux et surtout de la psychologie des personnages. C’est sur ce point – et je ne vais pas me faire que des ami(e)s en disant cela – que la série surclasse à mon humble avis une série américaine qui traite également de géopolitique : Homeland (je précise ici que je me suis arrêté à la saison 3).
Espérons donc que la saison 3 du Bureau des Légendes saura poursuivre sur sa lancée, exigeante, sans chercher à ressembler à ses homologues américaines. Car c’est la condition même pour espérer les égaler, voire les dépasser, comme les séries britanniques savent parfois si bien le faire.
Sol